Mettons les choses au clair!

Plume politique 6/2018
01.06.2018
Strommasten

«La Suisse est devenue un trou noir sur la carte européenne de l’électricité», a critiqué récemment le CEO de Swissgrid Yves Zumwald. Certes, la Suisse est fortement intégrée en Europe sur le plan physique. Elle dispose de 41 points d’interconnexion avec ses voisins – c’est plus que n’importe quel autre pays au monde. En ce qui concerne la planification et le pilotage des réseaux, notre pays est toutefois de plus en plus mis à l’écart.

Cela entraîne une situation paradoxale: bien que la Suisse ait fondé le réseau interconnecté européen par le biais de l’«étoile de Laufenbourg», elle n’a pas le droit de participer aux mécanismes de marché européens. Comble de la situation: l’Italie dépend de la Suisse pour acheminer ses importations d’électricité. Notre réseau n’est cependant pas correctement pris en compte dans le calcul des capacités de réseau transfrontalières, car la Suisse est exclue du couplage des marchés. Notre réseau est par conséquent de plus en plus encombré par des flux de courant imprévus et aléatoires. De plus, afin de stabiliser le système, il faut ponctuellement puiser dans la précieuse force hydraulique suisse qui risque alors de manquer dans les situations critiques. Cela inquiète vivement l’ElCom qui estime que la sécurité des réseaux et, partant, la sécurité d’approvisionnement de la Suisse sont ainsi mises en péril. Elle constate que les problèmes ont pris une nouvelle dimension et que le bénéfice économique du couplage des marchés se fait aux dépens de notre pays.

Ainsi, les règles relatives aux aides d’État – qui définissent si de telles aides peuvent être accordées et dans quelles conditions – sont particulièrement susceptibles de faire mousser les esprits.

Au vu de la détérioration insidieuse de la situation, il est plus que jamais nécessaire de clarifier la relation Suisse–UE dans le secteur électrique. Il serait important d’intégrer la Suisse dans le marché intérieur européen de l’électricité au moyen d’un accord. Cela permettrait d’améliorer l’efficacité du système dans son ensemble, mettrait un terme aux risques susmentionnés en matière d’approvisionnement et offrirait des opportunités à l’hydraulique, véritable atout en termes de flexibilité pour compenser les énergies renouvelables fluctuantes.

Un tel accord aura néanmoins un prix, tant pour la Suisse que pour la branche électrique. Ainsi, les règles relatives aux aides d’État – qui définissent si de telles aides peuvent être accordées et dans quelles conditions – sont particulièrement susceptibles de faire mousser les esprits. Or, une appréciation sérieuse n’est possible que sur la base du texte de l’accord.

La conclusion d’un accord sur l’électricité s’est enlisée depuis des années. Le Conseil fédéral vise des progrès concrets pour 2018, ce qui est une bonne chose. Il est plus que temps de jouer cartes sur table afin que la discussion sur cet accord puisse enfin être menée.

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La plume politique

À la rubrique «La plume politique» du magazine de la branche Bulletin, Dominique Martin, Responsable Affaires publiques à l’AES, publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.