Révision de la LApEl: mettre l’accent sur la sécurité d’approvisionnement à long terme

L’Association des entreprises électriques suisses AES prend connaissance du projet mis en consultation par le Conseil fédéral sur la révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl), mais fait part de certaines réserves dans sa prise de position. Les mesures proposées pour assurer la sécurité d'approvisionnement de la Suisse ne vont pas assez loin du point de vue de l’AES. Il manque des approches pour assurer les investissements dans les installations de production existantes et nouvelles à l’intérieur du pays. En particulier, les évolutions au niveau européen doivent être mieux prises en considération, évolutions qui ont un impact négatif sur la capacité d’importation de la Suisse.
24.01.2019

Ces dernières semaines, l’AES a analysé en détail le projet mis en consultation par le Conseil fédéral sur la révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) et a déposé hier sa prise de position à ce sujet.

Mesures requises pour la sécurité d’approvisionnement à long terme

Au niveau européen, une réduction massive des capacités assurées est prévisible en l’espace de quelques années, qui aura une influence négative sur la capacité d’importation de la Suisse. «Le marché ne crée actuellement pas d’incitations à investir. La sécurité d’approvisionnement ne peut être garantie à long terme tout au long de l’année que si on investit dans la production indigène existante et nouvelle», déclare Michael Frank, Directeur de l’AES. Or la révision de la LApEl n’apporte pas de réponses satisfaisantes à ces défis. L’AES soutient dans l’ensemble les objectifs du Conseil fédéral, ce qui n’est pas le cas des conclusions relatives à la sécurité d’approvisionnement, étant donné que celles-ci ne tiennent pas suffisamment compte des évolutions critiques au niveau européen. Pour pouvoir tirer les enseignements pertinents dans le contexte de la sécurité d’approvisionnement, il convient par conséquent d’actualiser l’analyse de l’adéquation du système réalisée par l’Office fédéral de l’énergie au regard des évolutions au niveau européen.

Dans le domaine de la régulation du réseau, il n’y a nul besoin fondamental de légiférer, selon l’AES. La LApEl a fait ses preuves sur le principe. Des interventions étatiques et des adaptations du cadre régulatoire ne doivent avoir lieu qu’en cas de nécessité avérée. «On n’a pas besoin de davantage de réglementation, mais de plus de marge de manœuvre pour concevoir des solutions novatrices et adaptées à chaque situation», souligne M. Frank. «La régulation du réseau remonte au siècle passé et doit être adaptée d'urgence à la réalité actuelle de la Stratégie énergétique 2050.»

Corrections nécessaires sur tous les sujets principaux du projet

D’importantes corrections sont, du point de vue de l’AES, nécessaires sur tous les sujets principaux du projet. «Nous nous concentrons sur la question de savoir si la révision contribue à garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme et est en mesure d’assurer le financement de la production indigène», explique M. Frank. Sur ces deux points, la proposition du Conseil fédéral ne va pas assez loin et ne représente pas véritablement une deuxième phase de la Stratégie énergétique. En outre, la tarification du réseau doit être adaptée d’urgence à la réalité actuelle: «En lieu et place d’une marge de manœuvre plus grande, on risque d’être confronté à un excès de réglementation», souligne le Directeur de l’AES.

L’AES a déposé hier auprès de l’Office fédéral de l’énergie sa prise de position détaillée sur le projet mis en consultation.

Vous trouverez ici l’ensemble des documents:

L’essentiel de la prise de position de l’AES:

  • Conception du marché: manque d’incitations à investir – Une conception du marché efficace doit créer des marchés efficients et des conditions-cadre fiables, afin de pouvoir atteindre les valeurs indicatives de la Stratégie énergétique 2050 et les objectifs climatiques de la Suisse, et de garantir la sécurité d’approvisionnement. Les instruments basés sur le marché qui sont proposés ne suffiront pas à eux seuls à garantir la sécurité d’approvisionnement. Outre les instruments dédiés à la sécurité d’approvisionnement à court terme, il faut des incitations à long terme aux investissements dans les installations de production existantes et nouvelles ainsi que des mesures qui prennent effet lorsque les prix du marché sont durablement bas. La flexibilisation de la redevance hydraulique, qui s’avère d’autant plus urgente dans l’éventualité d’une ouverture complète du marché, fait par ailleurs partie intégrante de la conception du marché.
  • Réserve de stockage: pertinente mais non garante de la sécurité d’approvisionnement – Une réserve de stockage sert la sécurité d’approvisionnement à court et à moyen terme. Toutefois, elle n’entraîne aucun investissement supplémentaire et ne contribue ainsi pas à réduire à long terme la probabilité de survenance de situations de pénurie. La conception de la réserve de stockage doit être la plus ouverte possible afin que les consommateurs, en particulier, puissent eux aussi y contribuer. L’AES rejette une obligation d’offre pour les consommateurs, les exploitations de centrale à accumulation et les exploitants de stockage. L’indemnisation du recours à la réserve doit être en adéquation avec le marché.
  • Ouverture complète du marché: appréciation et conception dans un contexte plus large – L’ouverture complète du marché doit être considérée dans le contexte global. Au cas où elle serait décidée par le législateur, aucun approvisionnement de base n’est en principe nécessaire. En cas d’ouverture complète du marché, une période de transition d’au moins deux ans est nécessaire pour garantir la mise en place les processus et systèmes informatiques requis. Les obligations de reprise et de rétribution doivent être supprimées.
  • Approvisionnement de base: sans régulation des produits et des prix – Si un approvisionnement de base est maintenu en cas d’ouverture complète du marché, il faudra renoncer à réguler aussi bien les prix que les produits, étant donné qu’il existe suffisamment de possibilités de substitution et qu’il n’y a aucun pouvoir de marché. Les clients finaux auront chaque année la possibilité d’opter pour l’approvisionnement de base ou de le quitter. Ce dernier sera donc soumis aux forces du marché. Une régulation des prix sera inutile. Des prescriptions de produit entraveraient quant à elles la liberté entrepreneuriale de certains acteurs du marché et, associés à des prescriptions de prix, engendreraient des risques inacceptables pour les gestionnaires de réseau de distribution. La vente dans l’approvisionnement de base sera en outre trop faible et trop incertaine pour envoyer les signaux espérés en faveur des investissements dans les énergies renouvelables indigènes.
  • Système de mesure: pas de libéralisation – L’AES rejette une libéralisation dans le domaine du système de mesure. Celle-ci entraîne une charge supplémentaire considérable qui est totalement disproportionnée en regard du volume de marché relativement faible. Les coûts macroéconomiques seraient supérieurs au potentiel de gain, comme le montrent les expériences faites dans d’autres pays. Le système de mesure existant, autocentré, est cohérent en soi, efficace et raisonnable sur le plan régulatoire. L’ampleur de l’intervention étatique en cas de libéralisation partielle est par ailleurs disproportionnée par rapport à la faible utilité.
  • Flexibilités: essentielles pour la stabilité du réseau – Afin de pouvoir garantir la stabilité du réseau, qui est essentielle du point de vue macroéconomique, il convient d’impliquer l’ensemble des acteurs et des utilisateurs du réseau. Lorsque le réseau est fortement sollicité, la disponibilité des flexibilités au service de ce dernier revêt une importance prioritaire par rapport aux autres fins de l’utilisation, et doit être garantie par la législation. Cela inclut la possibilité de procéder à une réduction des pics d’injection dans un cadre strictement défini.
  • Tarification du réseau: adaptation à la réalité actuelle – La tarification du réseau datant de l’ancien temps entrave l’évolution vers une décentralisation accrue qui découle de la volonté politique. La tarification doit être adaptée à la réalité actuelle afin de garantir une prise en charge des coûts du réseau conforme au principe de causalité. Plus de poids doit être accordé au besoin de puissance. Les bases légales actuelles sont en principe suffisantes, une adaptation au niveau de l’ordonnance est toutefois nécessaire. L’introduction de prescriptions rigides dans la loi, comme proposé, doit être rejetée, car de telles prescriptions ne seraient pas adaptées à la dynamique ni à la complexité du marché de l’électricité et de la tarification du réseau. Des tarifs dynamiques et flexibles sont nécessaires pour les marchés et produits décentralisés.
  • Régulation Sunshine: oui, si la charge induite est raisonnable et sensée – Le complément du modèle de régulation existant via la régulation Sunshine visant à accroître la transparence doit en principe être considéré comme un élément positif. Cela présuppose toutefois que la charge est raisonnable pour les gestionnaires de réseau de distribution, que les circonstances structurelles spécifiques des entreprises sont prises en compte et que les publications représentent une plus-value.
  • Obligation de renseigner et transmission de données: à restreindre au strict nécessaire – L’AES rejette l’extension de l’obligation de renseigner vis-à-vis des autorités et la transmission de données entre les autorités et vis-à-vis de Swissgrid en tant qu’actrice du marché. L’obligation légale de renseigner doit se limiter à l’exécution de la loi. Il convient de renoncer à la collecte de données qui n’ont aucune utilité concrète au regard de l’objectif poursuivi. La transmission de données en cas de mise en danger de la sécurité d’exploitation du réseau de transport est déjà garantie.

Renseignements:
Céline Reymond, Porte-parole
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