Pour la solidarité, on ne recule devant aucun effort

L’Ukraine a demandé de l’aide pour garantir son approvisionnement en énergie l’hiver prochain. L’AES et ses membres ont réagi, éliminé les obstacles et envoyé de premières aides.
22.06.2022

Le camion ukrainien est arrivé dans la région de Lviv, à l’ouest de l’Ukraine, le 3 juin. À son bord: des groupes électrogènes de secours, un chauffage mobile de secours et des batteries pour un hôpital. Les appareils ont rejoint l’Ukraine depuis le canton d’Argovie. L’Association des entreprises électriques suisses AES, domiciliée à Aarau, avait coordonné la livraison d’aides à la demande d’une organisation ukrainienne de protection civile. Onze entreprises membres de l’AES ont fait don du matériel livré.

Ce transport a été initié par la Communauté européenne de l’énergie, en accord avec une organisation ukrainienne de protection civile. À cet effet, Olivier Stössel, responsable Réseaux et Sécurité à l’AES et en charge de la coordination des livraisons d’aides à l’Ukraine, a dû se débrouiller lui-même pour obtenir les formulaires nécessaires au transport transfrontalier – en respectant scrupuleusement les instructions et en indiquant les informations détaillées sur les biens concernés. «Une entreprise membre nous a mis en contact avec un transporteur qui a pris en charge pour nous la déclaration du transport à la douane. Et un autre membre a mis à disposition une partie du parking de son personnel pour entreposer temporairement les biens à donner», raconte Olivier Stössel.

Un chauffeur ukrainien, qui a pris sur lui de parcourir les quelque 1600 kilomètres qui séparent son pays de la Suisse rien que pour ce motif, a conduit le camion jusqu’à Lviv. Mais, avant que tout cela ne soit prêt, des problèmes d’ordre pratique avaient dû être résolus: le camion ne disposant pas d’une plateforme élévatrice, une employée de l’entreprise membre avait dû convaincre les ouvriers qui travaillaient sur le chantier voisin d’utiliser leur excavatrice pour charger les biens dans le camion.

Les biens qui ne font que transiter par la zone UE doivent quitter celle-ci en l’espace d’un certain temps, sans quoi ils sont considérés comme des importations et sont alors soumis à d’exorbitants droits de douane et à la taxe sur la valeur ajoutée. Le travail avec le transporteur ukrainien était basé sur la confiance, raison pour laquelle un risque financier – certes faible – existait pour l’AES:  celui de devoir payer des droits d’importation et la taxe sur la valeur ajoutée, le tout à hauteur d’environ 50 000 francs. Mais il n’en a rien été. Les dons sont arrivés sans mal en Ukraine, à Lviv, le 3 juin et sont utilisés là où on en a le plus besoin.

Déclencheur de l’opération d’aide: une lettre

Ce premier transport ne sera pas le dernier. L’AES prévoit d’autres livraisons d’aides à l’Ukraine. Les dernières clarifications ont lieu en ce moment – et il y en a déjà eu énormément. Un transport de dons transfrontalier représente un défi logistique, qui plus est dans une zone de guerre. Pour qu’une telle livraison d’aides aboutisse, il faut beaucoup de coordination, un gros travail administratif, une bonne dose de pragmatisme et, avant tout, de la solidarité.

L’opération d’aide a débuté le 4 mars 2022, quand l’ambassadeur ukrainien Artem Rybchenko s’est adressé par courrier à la ministre de l’énergie Simonetta Sommaruga. Dans sa lettre, il remerciait pour le soutien aux sanctions contre la Russie et pour la solidarité de la Suisse avec son pays. En outre, il demandait de l’aide pour garantir l’approvisionnement énergétique en Ukraine. La conseillère fédérale Sommaruga a transmis la lettre à l’AES, à la suite de quoi le Directeur Michael Frank a prié les membres de l’Association d’étudier avec bienveillance la demande de soutien et d’aide – c’était le 8 mars.

Nombre des entreprises membres ont répondu immédiatement, se montrant prêtes à mettre à disposition batteries, transformateurs, groupes électrogènes de secours, câbles et autres biens techniques. Mais les premières – et non les dernières! – questions techniques se sont tout de suite posées. «Par exemple, nous avons dû clarifier quel est le niveau de tension du réseau de distribution ukrainien et quels groupes de couplage ils ont», explique Olivier Stössel. Ce genre d’informations techniques sont essentielles pour que les biens donnés puissent être réellement utilisés dans le pays où ils sont livrés, ajoute-t-il.

Collaboration étroite avec les organisations européennes (de protection civile)

Olivier Stössel s’est alors lancé dans les clarifications techniques. Grâce à ses contacts personnels, il a fini par atteindre, en plusieurs étapes, les renseignements du gestionnaire de réseau de transport ukrainien et, ainsi, par joindre la Communauté européenne de l’énergie, qui avait préparé à l’origine le raccordement du réseau de transport ukrainien au système de réseau européen. Cependant, lorsque la guerre a commencé, l’organisation européenne s’est vu confier la tâche d’aider l’Ukraine à garantir l’approvisionnement énergétique l’hiver prochain et de coordonner cet effort. Cette mission se concentre à dessein sur le court terme et l’approvisionnement hivernal, et non, par exemple, sur la reconstruction. En effet, les hivers ukrainiens sont longs et glaciaux.

En collaboration avec les fournisseurs d’énergie et les gestionnaires de réseau de distribution ukrainiens, la Communauté européenne de l’énergie a établi une liste précise du matériel nécessaire, subdivisée par région et comportant désormais plus de 10 000 lignes. «J’ai comparé ce tableau avec les biens que nos membres envisageaient de donner», explique Olivier Stössel. Il a alors fallu surmonter certains obstacles linguistiques: la liste comporte une foule de vocabulaire spécialisé et de données techniques, qui représentent un défi même pour des anglophones avertis, car la terminologie utilisée n’est souvent pas traduisible mot pour mot.

Batterien

Des obstacles douaniers retardent le transport

Pour la logistique, c’est-à-dire pour le transport des dons, s’associer à des partenaires européens qui fournissaient déjà de l’aide humanitaire à l’Ukraine tombait sous le sens. Olivier Stössel a pris contact avec l’organisation d’aide de l’UE (ERCC) ainsi qu’avec les organisations européennes et locales de protection civile. Bien que la Suisse ne fasse pas partie de ce groupement, l’organisation allemande de protection civile a accepté, le 25 avril, de venir chercher les biens en Suisse et de les transporter vers l’Ukraine.

Les dons rassemblés dans une première phase – qu’Olivier Stössel avait, pour certains, été récupérer personnellement – étaient désormais prêts pour le transport vers l’Ukraine. Actuellement, ils sont toutefois encore temporairement stockés près de la frontière allemande, sur le terrain d’une station d’épuration généreusement mis à disposition par celle-ci. Des raisons administratives retardent pour l’instant l’exportation des biens. Étant donné que l’organisation de protection civile devrait, en Pologne, répartir autrement les appareils, à savoir dans différents camions, les dons seraient considérés comme une importation dans l’UE. Cela obligerait l’AES à payer des droits de douane et des taxes sur la valeur ajoutée à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de francs. «Des pourparlers sont en cours pour savoir si et comment nous pouvons éviter ces coûts. La Norvège a rencontré le même problème et elle a obtenu un traitement spécial de la douane polonaise. Pour nous aussi, ce serait la meilleure solution», détaille Olivier Stössel.

Une fois cette question réglée, rien ne s’opposera plus au transport, qui pourrait alors avoir lieu avant la fin du mois de juin. Seuls deux très gros groupes électrogènes de secours (atteignant plus de quatre mètres de haut sur la remorque) nécessitent encore d’obtenir une autorisation spéciale pour le transport sur route, sur un itinéraire concret. Lorsque tous les documents seront réunis et que le transport de dons sera mené à bien sans accrocs, l’opération d’aide pourra enfin prendre réellement son envol. «Nous aurons alors la confirmation que les biens donnés arrivent bel et bien là où ils sont prévus et requis. Et ensuite, nous recontacterons nos membres pour leur demander concrètement, sur la base de la liste fournie par la Communauté européenne de l’énergie, de quels appareils et de quel matériel ils peuvent faire don.»