Mantelerlass: tout est bien qui finit bien?

26.09.2023
Le Mantelerlass devrait être adopté par le Parlement ce vendredi. Sous réserve d’un éventuel référendum, il s’agit du point final d’une histoire législative qui a commencé en 2018 avec la consultation sur la révision de la LApEl. Tout est bien qui finit bien?

Oui, le Parlement veut faire un grand pas en avant sur la voie d’un avenir énergétique renouvelable. Le Mantelerlass apporte des nouveautés importantes pour le développement des énergies renouvelables au niveau de la pesée des intérêts et de la capacité des projets énergétiques hors de la zone à bâtir à obtenir des autorisations. De plus, le législateur soutient expressément la mise en œuvre de 16 projets hydrauliques désignés pour l’approvisionnement hivernal en électricité et crée une base légale pour la réserve hydroélectrique, laquelle peut permettre de surmonter à brève échéance des situations d’approvisionnement critiques.

Pour les ménages et les PME, le Parlement ne prévoit pour le moment pas de libre choix du fournisseur d’électricité. Il modifie néanmoins les prescriptions concernant la formation des prix. De ce fait, la séparation des portefeuilles d’acquisition pour l’approvisionnement de base et pour les autres segments de clientèle devient réalité. Fort heureusement, la méthode inadéquate du prix moyen est désormais rangée au musée.

Pour la sécurité d’approvisionnement, chaque kilowattheure économisé compte. La proposition pragmatique de la branche à ce sujet n’a pas été retenue. Avec les prescriptions d’efficacité qui viennent d’être décidées, la branche sera donc confrontée non pas à une évolution, mais à une petite révolution.

Le Mantelerlass apporte des nouveautés importantes pour le développement des énergies renouvelables au niveau de la pesée des intérêts et de la capacité des projets énergétiques hors de la zone à bâtir à obtenir des autorisations.

La transformation du système d’approvisionnement en énergie se passe en particulier dans les réseaux de distribution. Le Mantelerlass apporte, pour les réseaux, de nouveaux droits, mais aussi de nouvelles obligations. Il crée par exemple la possibilité de procéder au peak shaving. En ce qui concerne l’accès aux données, les exigences sont nettement relevées. En revanche, la souveraineté sur le système de mesure n’est pas pour autant arrachée aux gestionnaires de réseau: la libéralisation de ce système n’est plus d’actualité, l’heure des fantômes est terminée.

À l’inverse, la marge de progression reste quasiment totale concernant la tarification du réseau et l’utilisation des flexibilités en faveur du réseau. Au lieu de s’y atteler, la politique continue de se diriger vers une ouverture du marché par la petite porte en accordant de nouveaux privilèges à la consommation propre. Avec les communautés électriques locales, le bricolage de réglementations spéciales économiquement inefficaces continue – tout en créant de nouvelles inégalités et en laissant le réseau en proie à des conditions dignes du Far West

C’est bien connu: le diable se cache dans les détails. De nombreuses questions restent en suspens et ne seront réglées qu’en 2024 dans le cadre des ordonnances. La consultation à ce sujet donnera à la branche l’occasion de s’engager pour des solutions praticables.

Heureusement, la méthode inadéquate du prix moyen est désormais rangée au musée.

Et le regard se tourne également déjà vers les prochains chantiers car, malgré l’aboutissement du Mantelerlass, l’objectif n’est pas encore à portée de main, loin de là. La toute récente votation populaire en Valais a en effet montré combien il est difficile de convaincre la population de la nécessité d’un développement pragmatique des énergies renouvelables. Et ce, alors que le rythme de développement doit encore s’accélérer si nous ne voulons pas attendre un siècle pour atteindre nos objectifs. Tandis que l’initiative biodiversité induirait un blocage total, le projet de loi pour l’accélération des procédures tente de propulser la procédure d’autorisation afin de libérer Sisyphe de son éternel retour à la case départ.

Le temps presse aussi – c’est le moins que l’on puisse dire – en ce qui concerne la collaboration entre la Suisse et l’UE, irrémédiablement réunies par un destin implacable. Un accord sur l’électricité diminuerait non seulement les risques pour la stabilité du réseau et la sécurité d’approvisionnement, mais aussi les coûts inutiles pour les consommateurs et consommatrices suisses.

Le Mantelerlass est un jalon certes important, mais qui ne marque en rien la fin de l’histoire. Sur la longue voie qui mène aux objectifs énergétiques et climatiques, la nouvelle législature devra, elle non plus, ne rien lâcher!

Responsable Affaires publiques à l’AES

Dominique Martin

À la rubrique «La plume politique», Dominique Martin publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.

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