Allô Sisyphe, on a un problème

En Allemagne, une procédure de six ans pour autoriser les projets d’énergies renouvelables suscite déjà une grande incompréhension. Ici, en Suisse, une telle vitesse serait digne d’une médaille olympique. Que faire?
19.05.2022

D’ici à 2030, la vitesse de réduction des émissions doit être multipliée par trois. Il est essentiel de limiter autant que possible la bureaucratie qui entrave la transformation, et d’accélérer les procédures de planification et d’autorisation. Il s’agit de diviser au moins par deux la durée des procédures. C’est ce que stipulent l’accord de coalition du gouvernement fédéral allemand et son «bilan d’ouverture sur la protection du climat».

En Allemagne, une procédure qui dure six ans suscite déjà une grande incompréhension. Ici, en Suisse, une telle vitesse serait digne d’une médaille olympique! Dans nos contrées, des procédures de 15 ans et plus sont monnaie courante; il arrive même que le premier coup de pioche ne soit donné qu’après plus de trente ans. On ne compte plus les témoignages relatant les errements et les tourments des projets entre expertises, instances administratives et tribunaux. Dans ces conditions, les objectifs de la stratégie énergétique et climatique ne sauraient être atteints avant au moins 100 ans. Pas étonnant que le Conseil fédéral cherche à s’extirper de ce pétrin. Son projet de loi pour accélérer les procédures va dans la bonne direction. Toutefois, pour améliorer son effet sur la durée des procédures, il doit être renforcé, étendu à davantage de projets et assorti d’un caractère contraignant pour toutes les instances.

Il n’est pas acceptable qu’à l’instar du calvaire de Sisyphe, chaque étape procédurale soit un éternel recommencement.

En parallèle, il faut aussi caler le rocher de Sisyphe par d’autres mesures. Une accélération réelle du développement des énergies renouvelables et des réseaux nécessaires implique de veiller tout d’abord à ce que le droit de l’aménagement du territoire n’exclue pas d’emblée que ces installations puissent faire l’objet d’une autorisation – ce qui ne va actuellement pas de soi pour certaines sources d’énergie offrant une production précieuse de courant hivernal, telles que le photovoltaïque en altitude. Ensuite, la pesée des différents intérêts ne doit plus fermer les yeux sur le fait qu’un approvisionnement énergétique renouvelable est absolument indispensable à la protection du climat. Là encore, l’Allemagne, qui envisage de considérer au moins provisoirement les énergies renouvelables comme un intérêt public primordial au service de la sécurité publique, pourrait nous servir d’exemple.

Il n’est pas acceptable qu’à l’instar du calvaire de Sisyphe, chaque étape procédurale soit un éternel recommencement. Si les énergies renouvelables et les réseaux énergétiques continuent de rester prisonniers du monde des procédures des années durant, ce n’est pas qu’aux mythiques Enfers, mais bel et bien sur notre bonne vieille Terre qu’on aura un sérieux problème…

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La plume politique

À la rubrique «La plume politique» du magazine de la branche Bulletin, Dominique Martin, Responsable Affaires publiques à l’AES, publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.