Ajuster le tir

Plume politique 4/2019
01.04.2019

Avec sa révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité, l’Office fédéral de l’énergie a du pain sur la planche. Le paquet présenté comme une «conception du marché», composé de l’ouverture du marché de l’électricité et de la réserve de stockage, a rencontré de forts vents contraires lors de la consultation. À l’unisson, les partis politiques estiment que les propositions sont insuffisantes: il manque des incitations à investir et des mesures qui puissent garantir le financement de la production renouvelable.

La Commission de l’énergie du Conseil des États, pas satisfaite non plus, a lancé à l’unanimité une deuxième motion. Sa première intervention demandant des incitations à investir avait été transmise par les deux Chambres en 2018, mais le Conseil fédéral n’en a pour l’heure pas tenu compte. La Commission revient donc à la charge et demande des mesures pour garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme moyennant une production indigène appropriée. Par ailleurs, à l’automne dernier, dix associations électriques européennes ont mis en garde contre les lacunes de capacités qui sont en train de se former, et ont demandé à ce que de nouveaux investissements soient rendus possibles à temps.

Il est clair que la Stratégie énergétique 2050 stagne: les objectifs grandiloquents ne pourront guère être respectés au moyen des seules mesures prises, et la mise en œuvre dans les cantons est à la traîne.

La politique énergétique a donc clairement besoin d’un projet plus substantiel. Les signes allant dans ce sens se multiplient aussi à d’autres niveaux: tandis que la politique climatique pousse la jeunesse européenne dans la rue et la politique fédérale à bout, l’Allemagne et la France réaffirment la sortie du charbon. C’est pourquoi l’Allemagne du sud spécule sur des importations de courant étranger à partir de 2025. La Suisse, qui dépendra elle-même de plus en plus d’importations, aura donc de la concurrence en la matière!

Même l’idée de nouvelles centrales nucléaires a récemment refait surface. Nul ne sait si ce sujet tabou parviendra à faire son chemin. En revanche, il est clair que la Stratégie énergétique 2050 stagne: les objectifs grandiloquents ne pourront guère être respectés au moyen des seules mesures prises, et la mise en œuvre dans les cantons est à la traîne. Deux ans après l’acceptation de la Stratégie énergétique 2050, seuls six cantons ont réussi à imposer des prescriptions plus strictes.

L’hydraulique, colonne vertébrale renouvelable de l’approvisionnement suisse en électricité, se trouve dans une situation particulièrement difficile. Malgré des prix en légère hausse sur le marché de l’électricité, les temps sont encore loin d’être roses. Le maintien par le Parlement de la redevance hydraulique élevée et rigide prive l’hydraulique du soulagement dont elle a besoin d’urgence et continue de torpiller sa compétitivité. L’absence d’accord sur l’électricité avec l’UE lui fait en outre manquer de précieuses opportunités.

Il est plus que temps que le Conseil fédéral ajuste son tir en matière de conception du marché. Les impulsions que donnera notre nouvelle ministre de l’énergie seront accueillies avec grand intérêt.

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La plume politique

À la rubrique «La plume politique» du magazine de la branche Bulletin, Dominique Martin, Responsable Affaires publiques à l’AES, publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.