Protéger ou utiliser? Les deux!

Les intérêts envers l’utilisation des énergies renouvelables servent surtout la protection du climat. Ainsi, la mise en œuvre conséquente de la stratégie énergétique et climatique représente aussi une contribution importante à la protection et l’encouragement de la biodiversité.
06.09.2021
Figure: pixel2013/pixabay

L’approvisionnement en énergie au moyen d’énergies renouvelables est l’un des fondements essentiels de la protection du climat. Les mesures de protection du climat constituent quant à elles la base de la préservation des ressources naturelles et, partant, de la biodiversité. Mais, même basé sur les énergies renouvelables, l’approvisionnement en énergie n’est pas possible sans atteintes à l’environnement; il faut donc réaliser, de manière fiable et au préalable, une pesée des différents intérêts de protection et d’utilisation dans l’optique de l’intérêt général de la société. On ne doit alors pas négliger le fait que l’intérêt d’utiliser les énergies renouvelables sert avant tout la protection (du climat). La mise en œuvre conséquente de la stratégie énergétique et climatique représente donc une contribution importante pour soutenir la biodiversité.

Le 18 juin 2021, le Conseil fédéral a adopté la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables et l’a soumise au Parlement. Avec ce projet, qui prévoit une révision de la Loi sur l’énergie et de la Loi sur l’approvisionnement en électricité, il entend renforcer le développement des énergies renouvelables indigènes ainsi que la sécurité de l’approvisionnement de la Suisse, en particulier durant l’hiver. Dans son communiqué, le Conseil fédéral souligne que la réalisation des objectifs définis dans la stratégie énergétique et climatique de la Suisse passe par une large électrification des secteurs des transports et du chauffage. Dans ce but, la production indigène d’électricité à base d’énergies renouvelables doit être développée rapidement et systématiquement. La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga invite aussi la branche à apporter sa contribution en réalisant sans tarder le développement nécessaire dans le pays.

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Obwohl erneuerbar und frei von CO2-Emissionen, erwächst geplanten Windkraftprojekten in der Schweiz noch immer starker Gegenwind. (Bild: Lukas Bieri/pixabay)

La loi fédérale crée en effet une base importante pour de meilleures conditions-cadre, nécessaires au développement des énergies renouvelables et à la sécurité d’approvisionnement en Suisse. Mais à elle seule, cette loi ne suffira pas. Car bien souvent, c’est au moment de la mise en œuvre concrète de projets en Suisse que les choses coincent, ceux-ci étant confrontés à des résistances et à des procédures au long cours. Pour réaliser des projets hydrauliques ou éoliens, il faut fréquemment compter 10 à 20 ans, jusqu’à ce que toutes les questions soient clarifiées – souvent devant les tribunaux. Sans une pesée des intérêts globale et une large acceptation de ces installations par la population, les objectifs de la stratégie énergétique et climatique ne pourront pas être atteints d’ici à 2035 et 2050. Au rythme actuel, la Suisse aurait besoin de plus de 100 ans pour y arriver!

Comme si les obstacles actuels n’étaient pas suffisamment grands, l’Initiative biodiversité et le contre-projet du Conseil fédéral risquent de placer la branche face à de nouvelles difficultés. L’Initiative biodiversité prévoit d’étendre les zones protégées et leur statut de protection. Elle va ainsi diamétralement à l’encontre du développement des énergies renouvelables. Le contre-projet – plus modéré – prévoit lui aussi une extension des aires protégées dédiées à la biodiversité de 13,4% à 17% du territoire national (sans y inclure les zones figurant à l’IFP {Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels}). Les fronts déjà existants entre la préservation des ressources naturelles et l’utilisation économique des ressources renouvelables disponibles vont ainsi inéluctablement se durcir. Mais on oublie alors que l’approvisionnement renouvelable indigène en énergie, en contribuant à la protection du climat, joue aussi un grand rôle dans la protection de la biodiversité.

Figure: pasja1000/pixabay
Bei der Photovoltaik im alpinen Raum (im Bild im Säntis-Gebiet) besteht ein grosses Ausbaupotenzial, das bislang noch nicht erschlossen werden kann. Die Widerstände gegen entsprechende Projekte sind nach wie vor gross. (Bild: pasja1000/pixabay)

La stratégie énergétique et climatique de la Confédération fait partie de la solution

L’objectif de protection des ressources naturelles nécessite une stratégie durable de développement. Les mesures de protection du climat constituent une base importante de la préservation des ressources naturelles et, par conséquent, de la biodiversité. Selon la «Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques», le changement climatique représente l’une des plus grandes menaces pour la biodiversité. À partir d’un réchauffement de la planète de 2 degrés, 18% des insectes, 16% des plantes et 8% des vertébrés perdraient leur aire de répartition. De par sa situation géographique et sa structure topographique, la Suisse est particulièrement impactée par le réchauffement climatique. Ce dernier a également un impact sur la biodiversité – un impact qui est d’ores et déjà perceptible.

Une décarbonisation de l’approvisionnement énergétique est donc indispensable, également afin de réduire la pression exercée par le changement climatique sur la biodiversité. Pour cela, une transformation du système énergétique allant vers les énergies renouvelables s’impose. À travers la mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050 et de la stratégie climatique de la Confédération, le secteur de l’électricité contribue directement et de manière déterminante à la préservation de la biodiversité.

L’approvisionnement sûr en énergie basé sur les énergies renouvelables constitue la colonne vertébrale d’une économie durable et d’une société tournée vers l’avenir, et répond à un intérêt public. En conséquence, le législateur a prévu, dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 et de la Stratégie Réseaux électriques, que le développement des énergies renouvelables et la mise à disposition de l’infrastructure de réseau nécessaire représentent un intérêt national et, de ce fait, que la mise en œuvre de la stratégie énergétique et climatique de la Confédération soit au moins équivalente à d’autres intérêts nationaux.

Figure: KWO/David Birri
Die Wasserkraft ist das Herzstück des angestrebten neuen Energiesystems. Ausbauprojekte wie hier an der Trift sind allerdings oft langwierige Angelegenheiten, und das, obwohl hier auch Umweltorganisationen in die Planung miteinbezogen wurden. (Bild: KWO/David Birri)

L’intérêt général de la société nécessitera encore des atteintes à l’environnement à l’avenir

Or, la volonté de l’Initiative biodiversité et du contre-projet d’étendre les surfaces des zones à protéger et des zones à ménager est en conflit avec les objectifs de la stratégie énergétique et climatique et avec un approvisionnement sûr en électricité.

Un approvisionnement basé sur des énergies renouvelables nécessite, d’une part, des installations de production, des possibilités de stockage et l’infrastructure de réseau nécessaire pour raccorder ces installations et les sites de consommation, et, d’autre part, les sites appropriés. Il n’est pas possible de choisir librement ces sites: ils dépendent de l’offre locale en énergie, à savoir le cours des rivières, les conditions de vent, la production de biomasse, le rayonnement solaire. De plus, il existe une obligation légale de raccorder au réseau, via l’infrastructure nécessaire, toutes les installations de production et tous les sites de consommation.Le développement des énergies renouvelables pour décarboniser l’approvisionnement en énergie va donc mener à une augmentation du besoin en surfaces de l’infrastructure énergétique dans les zones bâties comme en dehors. Même basé exclusivement sur les énergies renouvelables, l’approvisionnement en énergie est donc inconcevable sans atteintes à l’environnement.

Pour atteindre l’objectif de la neutralité climatique à partir de 2050, les Perspectives énergétiques 2050+ de la Confédération estiment que la production issue des énergies renouvelables que sont le photovoltaïque, l’éolien, la biomasse et la géothermie doit être multipliée par dix d’ici à 2050. La majeure partie de ce développement reviendra au photovoltaïque. Néanmoins, c’est justement en hiver que toutes les énergies renouvelables seront nécessaires, y compris l’éolien, la biomasse, le photovoltaïque alpin et l’hydraulique. C’est le seul moyen de garantir la sécurité d’approvisionnement grâce à une part appropriée de production indigène. L’hydraulique restera la colonne vertébrale de l’approvisionnement énergétique renouvelable en Suisse, apportant notamment des prestations de stockage et de flexibilité irremplaçables. Les Perspectives énergétiques 2050+ supposent donc également pour l’hydraulique une production supplémentaire d’environ 10% en 2050. Or le simple maintien de la production existante devient un défi, car il faudra compenser des pertes de production considérables, engendrées par l’augmentation des débits résiduels dans les installations existantes.

Il faut une pesée globale des intérêts

Actuellement, le débat politique est marqué par des altercations entre différents acteurs: ceux qui visent la protection de l’environnement naturel et ceux qui visent l’utilisation économique des ressources naturelles disponibles. Au vu de la tension croissante entre intérêts de protection et intérêts d’utilisation, ce désaccord va probablement encore s’accentuer tant qu’il ne sera pas réglé au niveau politique dans le cadre d’une pesée globale des intérêts.

Aujourd’hui, la pesée des intérêts n’est réalisée que sur le projet concret et au cas par cas. Dans de nombreux cas, les initiants du projet, les autorités locales et les organisations locales ne peuvent trouver des solutions praticables qu’au prix de longues négociations et procédures. La résolution de conflits d’intérêts fondamentaux est implicitement déléguée aux tribunaux. Cela ne peut pas être dans l’intérêt d’une mise en œuvre rapide de la stratégie énergétique et climatique de la Confédération et nécessite d’être clarifié politiquement sur le principe.

Il faut tenir compte de manière équilibrée, dans une pesée des intérêts politique préalable, des intérêts prépondérants quant à la protection des ressources naturelles et à la protection du climat en même temps que d’autres tâches qui présentent également un intérêt national. Il faut apporter plus de clarté à cette pesée des intérêts grâce à une stratégie commune au niveau de la Confédération et la concrétiser au moyen de prescriptions contraignantes. Ainsi, il est possible de créer de la sécurité juridique et de planification pour toutes les parties impliquées.

Dans ce contexte, les intérêts de politique climatique et énergétique ainsi que d’un approvisionnement en énergie sûr doivent toujours être considérés comme au moins équivalents à l’intérêt de protection de la biodiversité et être inclus dans la pesée des intérêts. Afin de pouvoir réaliser un approvisionnement énergétique renouvelable, les atteintes à l’environnement doivent rester possibles. C’est le seul moyen pour que l’approvisionnement énergétique puisse contribuer de manière décisive à la protection du climat et à la préservation des ressources naturelles et, partant, à la biodiversité.

Figure: Skitterphoto/pixabay
Energie aus fossilen Quellen hat weder politisch noch gesellschaftlich eine Zukunft. (Bild: Skitterphoto/pixabay)

Utilisation et protection ne sont pas obligatoirement en contradiction

Différents projets déjà réalisés montrent que l’infrastructure énergétique et la préservation de la nature et de l’environnement ne s’opposent pas systématiquement l’une à l’autre. Dans ces cas, c’est précisément l’utilisation à des fins énergétiques qui a incité à protéger un site. Citons par exemple la zone protégée du Grimsel et de l’Oberaar, le lac de retenue de Klingnau, le lac de la Gruyère, le lac de Wohlen, le lac de retenue de Niederried, des parties du Val d’Arolla ainsi que le Val Ferret. Les infrastructures énergétiques stables à long terme peuvent aussi offrir la possibilité d’une utilisation extensive des terres avec une plus-value écologique. Cela se produit par exemple à travers la formation de biotopes au niveau des fondations de pylônes du réseau de transport, la création d’espace pour la flore et la faune grâce aux servitudes d’élagage ou encore les corridors à faune le long des lignes électriques.

La branche de l’électricité se présente ainsi comme une partenaire fiable pour l’exploitation et la réalisation d’installations de l’infrastructure énergétique durables qui créent une valeur ajoutée perceptible également par la population et l’économie locales. Non seulement cette valeur ajoutée concerne la production d’énergie ainsi que l’entretien et la maintenance de zones écologiques précieuses ou d’utilisations touristiques, mais elle inclut aussi, en particulier en ce qui concerne l’hydraulique, des mesures d’importance existentielle, à savoir dans le domaine de la protection contre les crues et les laves torrentielles ainsi que dans celui de l’approvisionnement en eau.

Tirer à la même corde, ensemble et de manière conséquente

Le changement climatique représente le plus grand défi sociétal des prochaines décennies, et de loin. Une mise en œuvre rapide de la stratégie énergétique et climatique est donc indispensable. Pour cela, il faut notamment développer de manière conséquente les énergies renouvelables.

La volonté uniquement sur le papier de mettre en œuvre la stratégie énergétique et climatique ne suffit pas. Très concrètement, il faut aussi disposer d’une large acceptation du côté de la politique et de la société. Celle-ci doit se refléter non seulement dans la politique énergétique et ses conditions-cadre, mais aussi dans d’autres domaines politiques tels que la politique environnementale.

Les revendications visant une protection maximale rendent impossible le développement des énergies renouvelables. En effet, même un approvisionnement renouvelable ne peut pas éviter toute atteinte qui peut avoir un impact négatif sur la nature et le paysage. L’approvisionnement renouvelable constitue néanmoins le fondement de la protection du climat, soit la base de la préservation des ressources naturelles et, ainsi, de la biodiversité. Il faut donc, maintenant, une pesée des intérêts dans l’intérêt global de la société ainsi que l’engagement de tous afin de pouvoir trouver des solutions pérennes pour un approvisionnement en énergie basé sur les énergies renouvelables.

 

L’initiative va trop loin

L’AES rejette l’Initiative biodiversité, car elle estime qu’elle va trop loin. Elle privilégie un contre-projet modéré au niveau de la loi. Or celui-ci doit être compatible avec un approvisionnement sûr en énergie renouvelable, avec la mise à disposition d’un réseau efficace et, partant, la mise en œuvre de la stratégie énergétique et climatique.

- Prise de position au sujet de la révision de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) en tant que contre-projet indirect à l’initiative populaire «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)»