Les deux côtés de la médaille

Bâtir notre avenir énergétique sur des énergies renouvelables indigènes et sur une solide coopération en Europe est plus que jamais un impératif. Mais un élément crucial risque une nouvelle fois de passer à la trappe dans les discussions.
28.03.2022

La catastrophe géopolitique et humanitaire qui se déroule dans l’est de l’Europe nous secoue. Elle aura des conséquences d’une grande portée – également pour l’approvisionnement énergétique.

Il devient d’autant plus urgent de bâtir notre avenir énergétique sur des énergies renouvelables indigènes et sur une solide coopération en Europe. Le Conseil fédéral et le Parlement y travaillent déjà. Mais un élément crucial risque une nouvelle fois de passer à la trappe. En effet, pour assurer un approvisionnement sûr en énergie, la production ne représente qu’un côté de la médaille. Et l’autre côté? Le réseau. À défaut, pas de transport d’électricité de la centrale aux lieux de consommation, pas de solidarité avec ou depuis l’Europe, pas non plus de consommation locale, ni même d’électrification.

Le réseau doit pouvoir suivre le rythme de développement de la production et du stockage centralisés et décentralisés, de même que de la transformation de la consommation engendrée par les pompes à chaleur et les véhicules électriques. Il a été mis en place au cours de ces 150 dernières années et constitue un précieux fondement. Mais il ne saurait être considéré comme acquis: il faut continuellement en prendre soin et l’amener à satisfaire aux nouvelles exigences. Il doit ainsi faire l’objet d’une extension et d’une modernisation, tout en tirant profit des nouvelles possibilités numériques.

Une coupe sombre dans la rémunération du capital investi dans le réseau serait irresponsable et reviendrait à faire une croix sur nos objectifs énergétiques et climatiques.

En moyenne, les gestionnaires de réseau consacrent quelque 1,2 milliard de francs chaque année pour maintenir le réseau en bon état. Et ce, alors que la grande transformation indispensable pour la décarbonisation n’a pas encore véritablement démarré. À l’avenir, les besoins d’investissement dans le réseau vont fortement augmenter. Des règles fiables et un rendement stable issu du capital immobilisé pour de longues années sont donc incontournables. Une coupe sombre dans la rémunération de ce capital – une idée aberrante qui vient tout juste de refaire surface – serait irresponsable et reviendrait à faire une croix sur nos objectifs énergétiques et climatiques. C’est donc une bonne nouvelle que le Conseil fédéral ait récemment confirmé la stabilité du WACC (Weighted Average Cost of Capital, taux d'intérêt calculé du capital investi dans le réseau électrique) au moins pour l’année prochaine.

C’est plutôt dans d’autres domaines que la régulation doit être adaptée en vue de mener le réseau vers l’avenir. Pour n’en citer que deux qui coincent particulièrement: les procédures d’autorisation, qui doivent permettre de raccorder rapidement les énergies renouvelables, et les règles de tarification, qui doivent jouer le jeu de la décentralisation et de l’électrification. Avoir un œil sur la production, c’est bien – mais n’oublions surtout pas l’autre côté de la médaille.

Voir également


La plume politique

À la rubrique «La plume politique» du magazine de la branche Bulletin, Dominique Martin, Responsable Affaires publiques à l’AES, publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.