L’électromobilité pour le climat et davantage de flexibilité dans le réseau électrique

Sans l’électrification de la mobilité, la Suisse n’atteindra pas ses objectifs climatiques. L’électromobilité gagne d’ores et déjà du terrain et se dessine la tendance que l’électricité aura supplanté l’essence et le diésel d’ici à 2050. Les batteries roulantes offrent de multiples opportunités pour le système électrique – par exemple la possibilité d’utiliser les flexibilités pour soulager les réseaux.

Les chiffres de vente des voitures de tourisme propulsées partiellement ou totalement à l’électricité ont fortement augmenté ces cinq dernières années. Actuellement, une nouvelle immatriculation sur cinq est un véhicule enfichable. Sur ces quelque 25% de véhicules électriques nouvellement immatriculés, les deux tiers disposent d’une propulsion électrique à batterie (BEV, en anglais), le tiers restant correspondant à des véhicules hybrides rechargeables (VHR, ou PHEV en anglais). L’électromobilité gagne du terrain et le boom devrait se poursuivre. La feuille de route Mobilité électrique 2025 de la Confédération, à laquelle participent 56 organisations (dont l’AES), indique l’objectif ambitieux d’un doublement de la part de véhicules électriques nouvellement immatriculés d’ici à 2025, qui grimperait donc à 50%. Des tendances similaires vers l’électrification sont aussi observables pour les véhicules utilitaires (véhicules de livraison, camions) ou les transports publics routiers (bus).

En raison de ces évolutions, l’étude «Avenir énergétique 2050» part du principe que l’électromobilité s’imposera dans le trafic routier et que, d’ici à 2050, les véhicules propulsés par batterie auront remplacé ceux à moteur à combustion. Les raisons qui expliquent cela sont évidentes.

Les trois facteurs suivants aideront l’électromobilité à s’imposer définitivement:

Les objectifs climatiques

La décarbonation de la mobilité est une condition préalable essentielle pour atteindre l’objectif de la neutralité climatique. Les chiffres des émissions confirment nettement cela. Dans le secteur des transports, le potentiel de réduction des émissions de CO2 est grand. Les voitures de tourisme, les véhicules de livraison, les camions et les bus représentent, avec près de 95%, les plus gros émetteurs de CO2 dans ce secteur, et de loin. Le plus grand potentiel d’économies revient, avec quelque 72%, aux voitures de tourisme.

L’UE a fixé des objectifs climatiques ambitieux qui se répercutent sur l’industrie automobile et aideront l’électromobilité à pénétrer le marché. Les émissions nettes de gaz à effet de serre doivent être réduites d’au moins 55% d’ici à 2030. Le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» (Fit for 55) prévoit par ailleurs un durcissement drastique des prescriptions en matière d’émissions pour les nouvelles immatriculations à partir de 2035 (probablement de 0g de CO2/km). Cela aidera définitivement l’électromobilité à s’imposer, car seuls les véhicules propulsés électriquement remplissent cette condition. Il faut partir du principe que la Suisse doit reprendre les prescriptions en matière d’émissions de l’UE.

L’offre de véhicules

L’industrie automobile européenne réagit d’ores et déjà aux prescriptions en matière d’émissions/aux objectifs climatiques et s’adapte. En tant qu’importatrice de véhicules, la Suisse est directement concernée et doit recourir à la même offre de véhicules. Cette dernière est déjà largement disponible et qualitativement équivalente aux véhicules traditionnels. Les coûts globaux des modèles électriques sur la durée d’utilisation sont d’ores et déjà plus bas que ceux des véhicules à combustion. En conséquence, la demande en véhicules purement électriques, en particulier, est élevée. L’importance des hybrides rechargeables décroîtra probablement à moyen terme, d’ici à 2035, car ils ne répondent pas aux standards d’émission.

Pour les véhicules utilitaires légers, l’équipe d’experts de l’étude «Avenir énergétique 2050» table également sur une électrification forte, voire totale. Parallèlement, les véhicules utilitaires lourds et les bus seront probablement partiellement électrifiés et partiellement équipés d’un propulsion par pile à combustion à l’hydrogène. Le mode de propulsion qui sera préféré dépendra du scénario et de l’utilisation. Plus la distance est grande, plus l’hydrogène sera utilisé comme source d’énergie.

L’infrastructure de recharge

Le nombre croissant de véhicules électriques fait augmenter les besoins en bornes de recharge de tous types. L’accès à une infrastructure de recharge correspondant à la demande est essentiel pour la pénétration de l’électromobilité sur le marché. Les besoins de recharge peuvent être satisfaits de différentes manières et à différents endroits. Les besoins de recharge dominants sont la recharge au domicile et sur le lieu de travail. Pour les plus longs trajets, les déplacements de travail et le tourisme, il faut toutefois aussi une infrastructure de recharge publique adaptée aux besoins. D’après la Feuille de route Mobilité électrique 2025, 20 000 bornes de recharge en libre accès doivent être disponibles en Suisse en 2025.

La flexibilité de l’électromobilité ouvre des opportunités

Le nombre en croissance constante de véhicules électriques ne modifie pas uniquement le système de transports. Les opportunités générées par les batteries roulantes sont multiples. Le défi réside actuellement dans la charge unidirectionnelle des solutions de recharge non commandées, qui amplifient la charge de réseau et peuvent alors mettre en péril la stabilité du réseau. Les systèmes de gestion de la charge et les solutions de charge bidirectionnelles améliorent néanmoins l’intégration de l’électromobilité dans le système énergétique et peuvent aussi soutenir ce dernier. Le modèle de l’Empa montre de premières applications et leur potentiel pour soulager le système.

Actuellement, en Suisse, le processus de recharge des véhicules électriques fonctionne en grande partie de manière unidirectionnelle. Le courant va de la prise électrique à la voiture, généralement sans gestion de la charge, et est ensuite stocké dans l’accumulateur du véhicule. Mais la technologie actuelle permet d’ores et déjà des solutions plus intelligentes. Les technologies intelligentes de gestion de la charge peuvent par exemple identifier les pics de charge, anticiper la sollicitation du réseau et l’inclure dans le pilotage de la recharge des accumulateurs automobiles. De plus, de nouvelles solutions techniques telles que la charge bidirectionnelle peuvent définitivement révolutionner notre consommation d’énergie en interaction avec les voitures, les bâtiments et les installations solaires. Le terme «bidirectionnel» décrit ici la charge et la décharge d’un accumulateur de véhicule. Le véhicule est de ce fait utilisé comme dispositif de stockage temporaire.

Vue d’ensemble des charges unidirectionnelle et bidirectionnelle de véhicules électriques (figure uniquement en allemand).

Ainsi, outre la baisse et la hausse des charges, la charge bidirectionnelle peut aussi réinjecter de l’énergie dans le circuit énergétique de bâtiments au moyen du vehicle-to-building. Les accumulateurs utilisés dans un but précis peuvent apporter une contribution importante à l’alimentation de certains bâtiments et compléter par exemple des technologies supplémentaires telles que les panneaux solaires.

Vue d’ensemble de la recharge, avec charge unidirectionnelle vs charge bidirectionnelle (figure uniquement en allemand).

Le modèle Empa montre que la flexibilité soulage le réseau électrique

Même si seuls quelque 70 000 véhicules électriques circulent sur les routes suisses, une forte simultanéité se dessine d’ores et déjà dans le comportement de recharge des utilisateurs et des utilisatrices. Les habitudes sociétales font que les pendulaires automobilistes branchent leur voiture pendant la même fenêtre horaire le matin au travail, tandis que nombre d’entre eux raccordent à nouveau leur véhicule au réseau électrique le soir depuis la maison, également pendant la même fenêtre horaire. Cela représente un grand défi pour les gestionnaires de réseau de distribution. Un pilotage intelligent et des informations en temps réel doivent permettre, à l’avenir, de transformer ces défis en opportunités.

Dans l’étude «Avenir énergétique 2050», on a mis à disposition, dans une modélisation conservatrice, des fenêtres de flexibilité unidirectionnelles provenant de l’électromobilité afin d’optimiser la consommation d’énergie. Une partie des pics de charge a alors été réduite grâce au report ou à la prolongation de la recharge. La modélisation de la flexibilité a été faite de telle manière que les utilisateurs et les utilisatrices n’ont pas subi de restrictions de leur comportement. Cela signifie, en fin de compte, qu’il n’y a pas eu de restriction de l’autonomie possible des véhicules. Les résultats montrent que les pics de charge ont pourtant pu être considérablement réduits. Le dispositif de stockage dans le garage fait donc naître une flexibilité qui rend possible un soulagement du réseau. Des perfectionnements de la technologie allant vers la bidirectionnalité et les interconnexions des composants peuvent organiser les cycles de charge de manière encore plus intelligente et, ainsi, étendre le potentiel de flexibilité dans l’électromobilité. La gestion intelligente de l’énergie, en particulier, pourrait permettre d’augmenter la consommation propre des propriétaires d’installations solaires si l’on intègre l’accumulateur automobile.

Dans les solutions envisagées, c’est la baisse ou la hausse des charges à court terme qui est déterminante. Cela a certes une influence sur la vitesse de recharge, mais une anticipation du comportement de mobilité permet une prolongation ou un report temporel de la charge sans pour autant restreindre le niveau de l’accumulateur ou le nombre de kilomètres visés une fois la charge terminée.

Manque d’incitations pour un changement de paradigme

Actuellement, le progrès technologique permet l’implémentation des solutions vehicle-to-building à partir d’env. 2025. Les prestataires de bornes de recharge largement répandus ont déjà annoncé des bornes de recharge bidirectionnelles et préparent leurs activités commerciales à ce changement de paradigme. Une partie des congestions de réseau auxquelles on peut s’attendre peuvent être évitées grâce à la technologie. Mais, pour pouvoir proposer une charge bidirectionnelle agrégée en faveur du marché, du réseau et du système, il manque actuellement encore des incitations claires, comme p. ex. des tarifs de réseau flexibles et des modèles de collaboration. De plus, l’interface entre le gestionnaire de réseau et le client final au niveau des charges flexibles n’est pas standardisée. La norme ISO 15118-20 et le standard OCPP couvrent une partie importante de la standardisation et doivent être encore développés avec systématisme. Cela permettrait par exemple un pilotage optimisé au niveau du réseau sur une base locale.

La politique a elle aussi identifié les opportunités offertes par la charge bidirectionnelle. Un postulat intitulé «Technologies V2X (vehicle to grid) et "smart charging". Utiliser les batteries des véhicules électriques comme solution de stockage et d’équilibrage du réseau», déposé en juin de cette année, se réfère à l’injection d’énergie dans le réseau électrique. Une fois de plus, l’évolution technologique avance toutefois plus vite que l’adaptation des prescriptions régulatoires sur ces sujets.