Hydrogène vert: un élément potentiellement important pour l’approvisionnement hivernal

L’hydrogène vert pourrait un jour apporter une importante contribution à la décarbonation et à la sécurité d’approvisionnement en hiver. Cela suppose une économie européenne de l’hydrogène, à laquelle la Suisse aurait accès le plus librement possible.

L’hydrogène est un agent énergétique qui suscite actuellement de nombreuses discussions. Produit à partir de courant d’origine renouvelable, l’hydrogène «vert» peut contribuer de manière significative à la décarbonation et donc à la lutte contre le changement climatique. Il remplace alors les agents énergétiques fossiles dans les cas où une électrification directe est difficilement possible, voire impossible.

De nombreux pays, au sein de l’UE comme en dehors, ont appliqué des stratégies et des programmes de mesures visant à mettre en place une économie de l’hydrogène. De même, de nombreux projets et initiatives privés misent sur la production et le transport de l’hydrogène vert ou sur son utilisation à la place d’autres agents énergétiques. L’hydrogène figure même désormais sur l’agenda politique suisse. L’OFEN travaille actuellement sur l’élaboration d’une feuille de route sur l’hydrogène, prévue pour le printemps 2023, dans le but de décrire le rôle de l’hydrogène en Suisse et les mesures ad hoc nécessaires. Précédemment, les perspectives énergétiques de l’OFEN ont montré que l’hydrogène jouera un rôle important dans la réalisation de l’objectif zéro émission nette visé pour 2050.

Les résultats de l’étude «Avenir énergétique 2050» concernant l’hydrogène indiquent qu’en Suisse, cet agent énergétique peut contribuer non seulement à la décarbonation, mais aussi à la sécurité d’approvisionnement en hiver.

Hydrogène vert bon marché en grandes quantités à partir de 2040

Si jusqu’à la fin des années 2030, l’hydrogène restera un agent énergétique assez coûteux – il ne sera donc utilisé qu’en petites quantités et pour un nombre limité d’applications –, l’hydrogène (vert) devrait devenir nettement plus abordable et être déployé à plus grande échelle à partir des années 2040.

L’hydrogène auquel on aura recours en Suisse sera principalement importé. Avant qu’un système de pipelines ne soit mis en place pour l’hydrogène à l’échelle européenne (vers 2040), les importations s’effectueront soit sous forme d’ajout au réseau de gaz naturel, soit par voie ferroviaire, maritime ou routière. Toutefois, seul le transport de petites quantités d’hydrogène – et sur de courtes distances dans le cas d’un transport par voie ferroviaire, maritime ou routière – pourra être rentable.

En fonction de la façon dont la Suisse sera raccordée au réseau européen de pipelines d’hydrogène (dorsale), elle pourra importer des quantités plus ou moins importantes à partir des années 2040. Si le pays est intégré aux marchés de l’énergie européens, il devrait disposer d’un raccordement complet à la dorsale de l’hydrogène. Étant donné qu’à partir des années 2040, les pays européens disposeront d’hydrogène bon marché – ce sera aussi le cas des pays non européens à plus long terme –, cette dorsale permettra à la Suisse d’avoir accès à de grandes quantités d’hydrogène à moindre coût.

Quantités d’hydrogène pouvant réellement être importées dans les différents scénarios de l’avenir énergétique (figure uniquement en allemand).

Production indigène coûteuse pour une dépendance plus faible

D’après les résultats de la modélisation, la production d’hydrogène en Suisse sera très faible, voire nulle, selon les scénarios. En effet, l’hydrogène produit à l’étranger pourra être importé presque à tout moment à des prix plus avantageux. L’évolution du prix de l’hydrogène en Europe et dans le monde reste cependant très incertaine et est fortement liée aux prix de l’électricité dans les années à venir. D’autres hypothèses de prix modifieraient également le volume des importations et leur rapport avec la production nationale d’hydrogène. La Suisse produira de l’hydrogène principalement si les possibilités d’importation depuis l’étranger sont limitées, c’est-à-dire si le pays n’est pas intégré aux marchés européens de l’énergie, ou s’il l’est de façon lacunaire. Dans ce cas, la production nationale d’hydrogène sera essentiellement estivale, lorsqu’il y aura des excédents d’électricité dus au niveau théoriquement élevé de la production photovoltaïque.

La production indigène d’hydrogène, pour laquelle la présence d’électrolyseurs en Suisse est une condition préalable, serait plus coûteuse que les importations d’hydrogène depuis l’étranger. Outre le prix de l’électricité, la charge des électrolyseurs représente un levier essentiel pour les coûts de l’hydrogène produit en Suisse: plus celle-ci est élevée, plus les coûts de production de l’hydrogène sont bas. Dans le cas d’une charge de 4000 à 5000 heures par an, les coûts de production sont déjà si faibles qu’ils ne pourraient plus baisser sensiblement si le nombre d’heures venait encore à augmenter. C’est pourquoi, du point de vue des coûts, il serait avantageux que la production d’hydrogène en Suisse ne s’effectue pas uniquement à partir du courant excédentaire obtenu en été, mais aussi sur des périodes nettement plus nombreuses – à condition que du courant bon marché soit disponible pour l’électrolyse – afin qu’il soit possible d’atteindre 4000 à 5000 heures de pleine charge. Indépendamment de cela, il convient de trouver un bon équilibre entre un hydrogène étranger bon marché, qui implique une dépendance avec l’étranger, et une dépendance vis-à-vis d’autres pays qui exige une production suisse adéquate, mais un peu plus coûteuse.

En tant qu’agent énergétique, l’hydrogène restera dans la plupart des cas plus coûteux qu’une électrification directe en raison des pertes survenues au cours de la transformation lors de sa fabrication. En 2050, même lors d’une forte diminution des coûts, l’hydrogène ne sera donc utilisé que dans les cas où les possibilités d’électrification directe sont inexistantes. En Suisse, ce sera principalement pour une partie des transports et de l’industrie. En revanche, s’il est disponible en grandes quantités et à un prix intéressant, l’hydrogène servira d’agent énergétique dans des turbines à gaz et à vapeur pour la production d’électricité. Une quantité considérable d’électricité pourra ainsi être produite, selon la disponibilité de l’hydrogène, principalement pendant le semestre hivernal.

Comment l’hydrogène peut-il contribuer à l’approvisionnement hivernal en électricité de la Suisse?

En plus de sa contribution à la décarbonation mentionnée précédemment, l’hydrogène pourra ainsi jouer un rôle important dans le renforcement de la sécurité d’approvisionnement en hiver: s’il est bon marché et disponible en grandes quantités, il permettra de produire de l’électricité pendant le semestre hivernal et participera ainsi à la réduction des lacunes d’approvisionnement en électricité pendant la saison froide. Pour ce faire, un raccordement intégral de la Suisse à l’infrastructure européenne de pipelines est nécessaire. Cela comprend également l’intégration du pays aux marchés énergétiques européens ainsi que la disponibilité de grandes quantités d’hydrogène à (très) bas prix à l’étranger, et ce particulièrement en hiver. Pour autant, cela ne signifie pas forcément que l’hydrogène soit aussi produit en hiver, même si cette option devrait être possible grâce notamment aux installations éoliennes offshore. On pourrait également envisager une importation depuis un dispositif de stockage.

L’utilisation, pour la production d’hydrogène suisse, de courant photovoltaïque national, qui ne peut être employé ou exporté tel quel en été en raison de l’offre excédentaire d’électricité, constitue une possibilité supplémentaire de désamorcer la problématique été-hiver. D’une part, le courant excédentaire serait ainsi utilisé sans être «jeté» et d’autre part, dans la mesure où il n’est pas employé directement, cet hydrogène pourrait lui aussi être reconverti en électricité en hiver et contribuer ainsi davantage à la sécurité d’approvisionnement durant la saison froide. Cette dernière option nécessiterait un stockage de l’hydrogène. Toutefois, la Suisse ne dispose pour l’heure d’aucune infrastructure nationale pour le stockage saisonnier du gaz.

Par conséquent, la disponibilité des réservoirs d’hydrogène, en Suisse comme à l’étranger, devrait améliorer et élargir encore considérablement les possibilités de recours à l’hydrogène. Cela permettrait notamment de garantir la disponibilité de l’hydrogène non seulement en période de forte production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, mais aussi à chaque fois qu’il est réellement nécessaire.

Les mesures suivantes sont nécessaires

Les résultats d’«Avenir énergétique 2050» montrent que l’hydrogène peut jouer un rôle important en Suisse, notamment dans le renforcement de la sécurité d’approvisionnement durant les mois d’hiver. Afin que ce potentiel soit exploité au mieux, différentes conditions doivent être remplies. Premièrement, un accès aussi facile que possible aux marchés et infrastructures étrangers de l’hydrogène est décisif pour pouvoir acheter des quantités importantes d’hydrogène à des prix aussi bas que possible. Pour ce faire, la Suisse doit être intégrée de manière globale aux marchés européens de l’énergie.

Deuxièmement, un développement rapide et significatif des énergies renouvelables indigènes permettra de produire de l’hydrogène en Suisse également, et ainsi de réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger pour se procurer cet agent énergétique. Si l’on ne veut pas s’en remettre entièrement à l’étranger, il faudra accepter le coût plus élevé de la production d’hydrogène au sein de nos frontières. Troisièmement, enfin, les possibilités de stockage de l’hydrogène en Suisse et à l’étranger peuvent non seulement garantir une utilisation plus régulière dans le temps de l’hydrogène produit au préalable en Suisse en été, mais aussi réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger en découplant le moment d’importation de celui de l’utilisation de l’hydrogène. En outre, il serait possible d’en importer des quantités encore plus grandes lorsque son prix est particulièrement bas.